Bonjour à toutes et tous, je suis Augustin Hubert, et depuis septembre 2021, j’ai l’immense chance — et le défi quotidien — d’être à la barre de la Maison Tirot, dernier fabricant de petits voiliers en bois en France, en Europe, et dans le Monde ! À travers ce témoignage, je vous embarque dans mon aventure de reprise, entre passion, transmission, modernisation et quelques conseils à celles et ceux qui rêvent de reprendre à leur tour une entreprise.
Qui suis-je et comment tout a commencé ?
J’ai trois petits garçons et une passion pour la voile et letravail du bois. Le hasard a voulu que, le jour de la naissance de mon secondfils, j’aie l’acceptation de mon offre de rachat de la Maison Tirot. Autantdire que cette entreprise est entrée dans ma vie comme un nouveau membre de lafamille ! Avant cela, j’avais tenté l’aventure startup, mais j’ai vite comprisque j’étais bien meilleur pour passer de « 1 à 100 » que de « 0 à 1 ». J’aimedévelopper, transformer, faire grandir.
Quand j’ai découvert cette petite fabrique de jouets enbois, en entrant dans l’atelier, j’ai été subjugué. Peu importe la poussière,l’état des machines… J’ai tout de suite vu une pépite à dépoussiérer, La MaisonTirot était un bijou oublié dans un grenier qu’il fallait remettre dans un belécrin et présenter au monde entier. C’est devenu mon enjeu depuis trois ans :faire rayonner ce savoir-faire d’exception, reconnu par le label « Entreprisedu Patrimoine Vivant ».
Pourquoi reprendre plutôt que créer ?
J’ai essayé la création, j’ai goûté à la croissance dans unescale-up, mais je me suis rendu compte que la reprise me correspondait mieux.J’avais envie d’un projet à taille humaine, porteur de sens, où je pourraispleinement mettre à profit mes compétences et mes valeurs. Le projet MaisonTirot cochait toutes les cases : le bois, la voile, la transmission, lepotentiel de développement… et surtout, la possibilité de vraiment faire ladifférence.
Le processus de reprise : entre intuition etapprentissage
Je ne vais pas vous mentir, la reprise d’entreprise, c’estun vrai marathon. J’ai évalué la taille, la santé financière, le potentiel dedéveloppement, la maîtrise du savoir-faire… mais j’ai aussi commis des erreursde débutant. Par exemple, je n’ai pas assez négocié la valorisation du stock,et je me suis retrouvé avec une trésorerie tendue dès le départ. J’ai aussiappris à mes dépens qu’il fallait lire bien en détails les bilans et compte derésultats et dans mon cas surtout bien séparer les activités (ici, négoce debois et fabrication de bateaux étaient mélangés dans la compta !). Surtout : nepas trop succomber à son excitation/optimisme d’avant reprise ;)
Heureusement, j’ai pu compter sur le soutien de monentourage, de ma femme Laure, de mon père, et sur le réseau Initiative France,qui m’a aidé à structurer mon dossier et à obtenir des financements.
Si je devais recommencer, je ne partirais sans doute passeul comme je l’ai fait. Même si tous les Euros ne se valent pas, j’irais doncavec un investisseur ou un associé qui partage mes valeurs et qui mepermettrait de prendre moins de risques personnels.
Les 100 premiers jours : apprendre, convaincre,transformer
Ma plus grande peur, c’était de ne pas maîtriser laproduction. Il fallait comprendre, apprendre les 30 à 80 opérations nécessairespour fabriquer un bateau, gagner la confiance des salariés, tout en gérant unetransition parfois difficile avec le cédant. J’ai rapidement modernisé l’outilde production, adieu le tour à sabots de 1945, bonjour la commande numérique !J’ai réorganisé l’atelier, recruté, et surtout, expliqué à chacun ma vision,mes ambitions et leur rôle dans tout ça.
J’ai aussi dû affronter des situations humaines complexes :la cohabitation avec le prédécesseur, la gestion d’un licenciement, ledéménagement de l’atelier… Chaque difficulté a été l’occasion d’apprendre, deprogresser, de mieux structurer l’entreprise.
Innover pour durer : stratégie, valeurs et développement
Ce qui m’anime, c’est de faire des objets de grande qualité,de belle facture. Je ne peux pas me battre sur les volumes face au made inChina, alors je mise tout sur la qualité, la montée en gamme, lapersonnalisation. Mon indicateur clé : la valeur perçue de mes objets. J’airationalisé la gamme (de 21 à 9 modèles), développé de nouvelles couleurs,lancé des modèles iconiques et intemporels. J’ai aussi ouvert la vente directevia un site internet (aujourd’hui 40 % du CA), et envisage à terme l’international.J’ai une chance : pas grand monde ne veut aujourd'hui fabriquer et vendre desvoiliers-jouets en bois, je suis donc seul sur mon marché, sans concurrentdirect, ni en Europe, ni dans le monde !
Le made in France, l’approvisionnement local, la faibleproduction de déchets, la valorisation des chutes de bois (qui servent àchauffer l’atelier et à fumer les saucisses du village !), tout cela faitpartie de mon ADN. Je refuse de tricher, même si parfois c’est plus cher ouplus compliqué. Avec le temps, j’ai pu développer une vraie relation deconfiance avec mes fournisseurs locaux. Ceci donne une flexibilité beaucoupplus grande, une vraie entraide entre nous, et même si se fournir localementest souvent plus onéreux, les avantages de cette relation de confiancecompensent largement le différentiel de prix.
Le marché : jouet, objet, émotion
Je navigue entre le jouet et l’objet de décoration. Monentrée de gamme : un petit bateau à 30 euros, c’est un jouet de bain pour unenfant. Notre haut de gamme actuel : un modèle plus élaboré à 180 euros, c’estun objet de décoration, un objet d’art, un cadeau, une pièce de transmission.Ce qui me touche, c’est quand on me rapporte un bateau retrouvé dans le grenierd’rand parent et qu’on me demande de le restaurer pour le transmettre à lagénération suivante. Il y a de l’émotion, de la mémoire et quand l’objet estrestitué de la fierté.
Leçons apprises etconseils à ceux qui veulent se lancer
Fiertés et perspectives
Parmi mes petites fiertés : avoir fourni le Bon Marché dèsla première année, avoir été lauréat du « Fabriqué en France » à l’Élysée,fabriquer des bateaux pour la présidence de la République… et surtout, voir laMaison Tirot grandir, innover, transmettre.
Mon rêve ? Que chaque enfant de France reçoive un petitbateau Tirot à sa naissance, que la marque devienne synonyme de qualité,d’émotion, de transmission. Et pourquoi pas, un jour, conquérir le Japon, laCorée, l’Australie… Il y a tant à faire !
Merci à tous ceux qui m’accompagnent, me soutiennent,m’inspirent. Merci à mes salariés, à ma famille, à mes amis entrepreneurs, àmon parrain du réseau Initiative, à tous ceux qui croient en la Maison Tirot.
Si vous avez envie d’en discuter, de visiter l’atelier, decommander un bateau personnalisé, ou simplement d’échanger sur la reprised’entreprise, ma porte est toujours ouverte. À bientôt sur l’eau… ouautour d’un café à Romagné !
Augustin Hubert, repreneur passionné et heureux de laMaison Tirot